lundi 19 octobre 2009

Note du Producteur - NUAGES SUR LA VILLE

En travaillant en cinéma et en télé, j'en suis venu à me demander ce qui faisait la raison d'être d'une production donnée, ce qui justifiait les mois de travail, les sommes investies, tous les efforts qu'il faut pour qu'une œuvre existe finalement, et que cette œuvre fasse ensuite son chemin.

Pour les films à grand public la réponse est un peu plus simple à voir je crois. Pour les autres œuvres, la réponse me paraît tenir de la profondeur de l’écho laissé dans le public, et de la pertinence dans la durée. Ces films, par la justesse de leur observation de leur temps, non seulement nous touchent, mais parviennent à devenir exemplaire d’un moment de notre société. Ce sont après tout nos traces. C’est un objectif bien ambitieux auquel Nuages sur la Ville, a su donner un sens je crois.

En ces temps de crise économique, on ne peut s’empêcher de penser que l’effondrement spéculatif et industriel actuel de l’Occident trahi un certain échec de son modèle actuel. Comment au juste en sommes-nous arrivés là, se demandent plusieurs ? Une partie de notre surprise réside sûrement dans le désir constant de divertissement qui est le notre — tant en politique et en information, qu’en culture — un thème qu’aborde en profondeur Nuages sur la Ville : des divertissements quotidiens qui auront accompagné l’effondrement silencieux de grands pans industriels.

Et c’est ainsi qu’au fil du temps, par habitude de la de fuite, et sans perspective, les notions les plus familières semblent devenir floues. Que veut dire dans notre contexte actuel conservatisme, progressisme ? À quoi correspond par exemple une tentative de sauver l’espoir ? Est-ce du conservatisme de vouloir sauver la pensée critique ? Qu’est-ce que la solidarité aujourd’hui : un geste nostalgique ?

C’est de ces questions, et du désir d’une vision d’ensemble, c’est de l’inquiétude qui découle de ce regard qu’est né il me semble Nuages sur la Ville. Un film grave, mais drôle. Un film inquiet, mais pourtant plein d’humanité, duquel se dégage une réelle affection pour ses personnages. Un film de facture actuelle, mais qui ne joue pas la carte de la provocation, il s’inscrit plutôt dans une continuité, une culture — un ensemble. Est-ce ici le moment de rappeler la trajectoire de critique de Simon Galiero ? Ce film qui allie clarté d’énonciation, richesse, et une totale absence d’affectation est aussi par ailleurs, une œuvre d’une étonnante maturité à cet âge, car c’est l’œuvre il faut s’en souvenir, d’un très jeune réalisateur. Cela explique peut-être en partie pourquoi Nuages sur la Ville parvient aussi rejoindre un public jeune.

Je pense que l’on sous estime généralement l’ambivalence de la « Génération Y » à l’égard du junk food et des médias trash, de l’américanisation de leur références culturelles. Oui Nintendo et McDo sont des piliers, des références bien réconfortantes, ils en sont venus à représenter presque une sorte de seconde famille. Mais ces références sont aussi pour eux — ils le savent bien — une ligne de fracture avec leur parents et leur culture nationale, quelle qu’elle soit. Les jeunes semblent vivre face à ces questions une surprenante culpabilité, se demandant à juste titre si c’est seulement leur faute… Des questions qui témoignent d’une résonance profonde du film dans un groupe d’âge que nous tenterons de joindre cet automne par une importante tournée du réalisateur et des comédiens dans les Cégeps et Universités.

Pour les autres spectateurs, et spécialement pour les cinéphiles, la rencontre à titre de comédiens de figures majeures telles que Jean-Pierre Lefebvre, Robert Morin, Téo Spychalsky, est tout un projet en soi, et il attise la curiosité.

Au delà du sens et de la portée qu’on doit donner à leur présence, je tiens en finissant à souligner tout ce qu’il a fallu de foi à ceux-ci pour embarquer dans une aventure atypique comme la nôtre, mettant en quelque sorte leur réputation d’artiste au service de notre projet. Je ne peux ici que les en remercier chaleureusement.
- Serge Noël, producteur

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