Philippe Orfali
La Presse
Pour son premier long métrage de fiction, Simon Galiero s'est imposé un défi plutôt particulier: diriger deux cinéastes de renom, Jean-Pierre Lefebvre et Robert Morin, qui se sont transformés en acteurs pour les besoins du film. C'est ce qu'on peut appeler ne pas avoir peur de la pression...
Le tournage du film Nuages sur la ville pendant la nuit s'est achevé avant-hier à Montréal. Ce premier long-métrage de Simon Galiero, lauréat du Jutra 2008 du meilleur court métrage pour Notre prison est un royaume, met en vedette le cinéaste Jean-Pierre Lefebvre, qui tient le rôle de Jean-Paul, un écrivain en perte d'inspiration confiné à des activités de droit municipal pour subvenir à ses besoins.
Alors qu'il a plus que jamais le sentiment d'être tombé dans l'oubli et d'être dépassé par son époque, Jean-Paul tente de redonner un sens à son oeuvre et à son univers, entouré de sa fille Julie (Julie Ménard), son éditeur (Marcel Sabourin), et ses clients Michel (Robert Morin) et Marcel (Marcel Couture).
Nuages sur la ville pendant la nuit s'inspire des obsessions et des inquiétudes que nourrit Simon Galiero à l'égard du monde contemporain, affirme le principal intéressé. L'actualité sert d'ailleurs de trame de fond à ce film, de la maladie de la vache folle à l'écroulement du viaduc de la Concorde, en passant par la prise en otage d'enfants en Russie, en 2004.
«Nuages, c'est un film qui est moitié rêve, moitié cauchemar. Il nous présente un monde un peu anxieux, très désabusé. C'est un film un peu inquiétant, comme la vraie vie», affirme Galiero, qui avait jusqu'à maintenant réalisé des courts métrages, dont Encore dimanche et L'immigré.
Simon Galiero souhaitait initialement tourner un documentaire sur la vie de son mentor Jean-Pierre Lefebvre. «Ce film est d'ailleurs indissociable de mon amitié avec Jean-Pierre», dit-il. Mais, ne croyant pas avoir le détachement nécessaire pour tourner ce film, il a jugé préférable de se tourner vers la fiction.
«Ça s'est transformé en histoire, et j'ai décidé d'en faire un personnage qui n'était pas un cinéaste, mais bien un écrivain. Quelqu'un de morne, de perdu, de mort à l'intérieur, totalement à l'inverse de Jean-Pierre», affirme le réalisateur de 30 ans, qui connaît Jean-Pierre Lefebvre depuis une dizaine d'années.
Un film de «losers»
«Il y a deux façons de voir un loser», croit le cinéaste Robert Morin, qui joue le rôle d'un gardien de centrale hydroélectrique à la Baie-James qui perd son emploi et qui, grâce à l'aide de Jean-Paul, se reconvertit en gardien de zoo à Granby. «On peut voir le loser comme quelqu'un qui a toujours perdu. On peut aussi le voir comme quelqu'un qui parvient à survivre même s'il perd tout le temps. Dans ce film, ces losers survivent et s'accrochent», estime le réalisateur de Que Dieu bénisse l'Amérique, habitué aux «cameos» mais qu'on a rarement vu dans un rôle aussi important au cinéma.
Loin d'être intimidé de côtoyer deux réalisateurs de renom, Simon Galiero affirme avoir eu beaucoup de plaisir à les faire jouer dans son film. «Ça m'amusait un peu, de prendre des gens qui ne sont pas tous comédiens de formation. Ce n'était pas du tout stressant, bien qu'à l'occasion Lefebvre et Morin ne se soient pas gênés pour me dire leur façon de penser», dit-il.
«C'est très libérateur d'être acteur», dit Robert Morin. «Mais c'est plus fort que nous. Lefebvre est professeur dans la vie, alors on a tendance à encadrer un peu Galiero, lui et moi», dit-il, un sourire espiègle sur le visage.
Une expérience fantastique
Simon Galiero s'emballe lorsqu'on lui demande de parler de son expérience de tournage avec Marcel Sabourin, qui interprète l'éditeur et ancien ami de Jean-Paul. «C'est vraiment quelqu'un de fantastique, qui s'empare totalement du personnage. Lorsque j'ai communiqué avec lui pour lui parler du rôle, il m'a appelé, m'a dit «bonjour, ici Marcel Sabourin» et m'a parlé pendant une heure, sans que je puisse en placer une. C'était formidable. Il était totalement et parfaitement engagé dans ce rôle d'un homme cynique, qui ne pense plus qu'au profit.»
«On voit tout de suite que mon personnage a quitté l'univers des gens qui font de l'art et qui s'y investissent entièrement pour devenir quelqu'un de plus détaché et mercantile», souligne Marcel Sabourin, qui a joué dans plus de 80 longs métrages.
Son personnage, ancien ami de Jean-Paul, préfère maintenant éditer des romans grand public qui pourraient être adaptés au cinéma, «plutôt que de publier des romans qui brassent la cage comme ceux de Jean-Paul», dit Sabourin. «On a tous un jour à faire des «commandes alimentaires». Mais lui ne pense plus qu'à ça.»
Coproduction de Serge Noël et Simon Galiero, Nuages sur la ville pendant la nuit devrait sortir en salles l'an prochain. Le film dispose d'un budget d'environ 300 000$ et est financé en majeure partie par Possibles Média, la compagnie de production de Serge Noël. Simon Galiero a également reçu une bourse du Conseil des Arts et des Lettres du Québec pour financer la postproduction du long-métrage. Le film a été tourné à Montréal et à Bedford, en Montérégie.
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