lundi 26 octobre 2009

Nuages sur la ville de Simon Galiero - Notre royaume est une prison

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par Marie-Claude Loiselle

Dès la séquence initiale de Nuages sur la ville, Simon Galiero, qui signe ici son premier long métrage, adopte une facture qui, même si elle doit beaucoup au cinéma québécois des années 1960 (le fait que Jean Pierre Lefebvre interprète un des personnages principaux n’est pas étranger à ce sentiment de filiation), installe d’emblée un climat qui compose un objet étonnant et unique dans notre cinématographie. Ainsi, les plans qui forment la construction énigmatique précédant le générique de début nous plongent dans un espace mental indéfini – entre réminiscences du rêve raconté par Jacek et évocation du film à venir tel que rêvé par le cinéaste –, qui annonce déjà un récit qui s’élaborera par glissements opérés de l’univers d’un personnage à celui d’un autre, chacun apparaissant en décalage par rapport à l’ensemble, bien qu’un lien ténu les unisse : Michel (Robert Morin), ex-gardien de sécurité au chômage, trouve un nouvel emploi (dans un zoo !) grâce à Jean-Paul (J.P. Lefebvre), écrivain « déchu » qui gagne sa vie comme fonctionnaire. Il est par ailleurs ami de longue date de Jacek, intellectuel d’origine polonaise qui se désespère d’être témoin du déclin de la culture qu’il affectionne et de voir les hommes ne plus « ressentir de culpabilité » devant le sort de leurs semblables. Cette juxtaposition de destinées présente différentes façons d’habiter le monde et de chercher sa place dans la société – en y adhérant ou en le rejetant – à une époque où cette société engendre sans cesse plus d’exclus et de marginaux.


Ici, les « marginaux », Jean-Paul, Jacek, Michel et son frère Marcel, sont des mésadaptés ordinaires, comme en produit par milliers l’idéologie productiviste ambiante; des solitaires désarmés face à un environnement impitoyable et matérialiste, dans lequel chacun veille avant tout à sa survie, comme le rappelle Janusz lors de sa querelle philosophique cocasse avec Jacek. Tous gravitent autour de la figure centrale de Jean-Paul, écrivain sans éditeur et en panne d’inspiration (et de motivation), hanté par l’idée que la littérature moderne n’intéresse plus personne (elle est « passée date », déclare son ancien éditeur) et que de toute façon, comme lui dit sans détour sa fille, « qu’est-ce que ça change que tu écrives ou non »; miné aussi par le fait que même par le travail utilitaire qu’il pratique au sein de la fonction publique, il ne peut aider personne, parce que « le système n’est pas fait pour ça ». Le tableau que le cinéaste brosse ici d’une communauté en déroute n’a pourtant rien du cynisme postmoderne qui plombe bon nombre de réalisations de la jeune (et moins jeune) génération. Si les personnages que le film met en scène portent sur leurs épaules le fardeau des dérives du monde contemporain, le regard du cinéaste, lui, demeure sensible et bienveillant, leur accordant la densité d’une existence réelle révélée dans toute sa dimension humaine.


L’intelligence du film vient aussi de ce que Galiero sait recourir habilement aux ruptures de ton. Pas plus la critique sociale mordante qui sous-tend le récit de
Nuages sur la ville que l’angoisse qui tenaille les personnages ou les questions philosophiques dont débattent Jacek et Janusz au cœur de la forêt, qui condensent tout ce que l’écart entre les générations peut engendrer d’incompréhension, n’excluent pour autant l’irruption inopinée de notes humoristiques particulièrement jubilatoires : que l’on pense au cours de conditionnement physique donné par Marcel, paraplégique, ou au jeune Martin qui, après s’être rendu faire quelques achats au dépanneur du coin, ne retrouve plus la maison de sa nouvelle petite amie au milieu d’un nouveau quartier de banlieue où toutes les maisons sont identiques.


C’est qu’ici rien ne pèse et que chaque séquence est susceptible de laisser surgir un élément insolite ou déstabilisant. Il est difficile de définir à quoi tient la singularité de ce film sinon précisément en l’abordant par ce qu’il a d’insaisissable, en notant cette manière particulière de faire cohabiter un réalisme prosaïque et une fantaisie onirique qui ne franchit pourtant jamais la frontière du vraisemblable –, ce en quoi le noir et blanc du directeur photo Nicolas Canniccioni participe magnifiquement. Sur cet univers aussi vrai que dans un rêve (ou un cauchemar) plane sans cesse une menace imprécise et oppressante venue du ciel, un grondement, qui peut être celui d’un avion ou d’un orage imminent, ou ni l’un ni l’autre, comme une rumeur de fin du monde (de la fin d’un monde). Tout cela sous le regard silencieux et troublant, presque inquiétant, des animaux qui habitent le film de leur présence énigmatique, comme s’ils cherchaient à nous adresser une question, à nous, humains. Et l’insistance de leur regard finit par nous faire douter de qui regarde qui. Lequel, de l’homme ou de l’animal, est le moins libre ? Notre royaume serait-il en vérité une prison ?
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1. Le précédent film de Simon Galiero s’intitulait
Notre prison est un royaume. Il a reçu le Jutra du meilleur court métrage en 2008.

vendredi 23 octobre 2009

« NUAGES SUR LA VILLE » de Simon Galiero Meilleur Film Canadien au 38e Festival du Nouveau Cinéma

Montréal, le lundi 19 octobre 2009 – Métropole Films est très heureuse d’annoncer que le premier long métrage de Simon Galiero, NUAGES SUR LA VILLE, a remporté le prix Grand Prix Focus – Cinémathèque québécoise décerné au meilleur film canadien au Festival du nouveau cinéma. Produit par Possibles Média, le film prendra l’affiche au cinéma Parallèle le 27 novembre.
Métropole Films est particulièrement fière que son premier film québécois remporte les honneurs lors de sa première présence en festival. En effet, NUAGES SUR LA VILLE vient tout juste d’être complété et a été présenté en première mondiale et en ouverture de la section Focus Québec/Canada du 38e Festival du nouveau cinéma le 8 octobre dernier.
Malgré le fait qu'on s'apprête à lui rendre un hommage modeste, Jean-Paul, écrivain en perte d'inspiration et fonctionnaire, a plus que jamais le sentiment d'être tombé dans l'oubli et d'être dépassé par son époque. Autour de lui gravitent sa fille Julie, son petit-fils Martin, ses clients Marcel et Michel, son éditeur Maurice ainsi que Jacek, un vieil ami venu de Pologne en compagnie de son neveu Janusz. Derrière cette évocation caustique des obsessions médiatiques des années 2000, se met aussi en place une allégorie empreinte d'ironie sur les dangers qui peuvent guetter l'artiste contemporain : précarité du statut social, perte de sens et cynisme.
Lors de la remise de prix, les membres du Jury, Aleen Stein, fondatrice et principale actionnaire de Criterion, Pape Boye, vendeur international et fondateur de Coach 14 et Yuri Berger, cinéaste et programmateur, ont précisé qu’ils ont été charmé par : « la profonde humanité, la poésie et l’humour » du film de Simon Galiero.
Produit par Serge Noël, le film met en vedette les metteurs en scène réputés Jean Pierre Lefebvre (Il ne faut pas mourir pour ça, Aujourd’hui ou jamais) dans le rôle de Jean-Paul, Robert Morin (Papa à la chasse aux Lagopèdes, Le Neg’) dans le rôle de Michel et Teo Spychalski (directeur du théâtre Prospero) dans le rôle de Jacek. À leurs côtés, Alex Bisping, Marcel Sabourin, Julie Ménard, Marcel Couture, Frédéric Côté et Robert Reynart complètent le tableau.
NUAGES SUR LA VILLE prendra l’affiche à Montréal dès le 27 novembre prochain.
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Dossier de presse et photos haute résolution : www.nuagessurlaville.ca
Contact média : Mélanie Mingotaud / Brigitte Chabot Communications

lundi 19 octobre 2009

Note du Producteur - NUAGES SUR LA VILLE

En travaillant en cinéma et en télé, j'en suis venu à me demander ce qui faisait la raison d'être d'une production donnée, ce qui justifiait les mois de travail, les sommes investies, tous les efforts qu'il faut pour qu'une œuvre existe finalement, et que cette œuvre fasse ensuite son chemin.

Pour les films à grand public la réponse est un peu plus simple à voir je crois. Pour les autres œuvres, la réponse me paraît tenir de la profondeur de l’écho laissé dans le public, et de la pertinence dans la durée. Ces films, par la justesse de leur observation de leur temps, non seulement nous touchent, mais parviennent à devenir exemplaire d’un moment de notre société. Ce sont après tout nos traces. C’est un objectif bien ambitieux auquel Nuages sur la Ville, a su donner un sens je crois.

En ces temps de crise économique, on ne peut s’empêcher de penser que l’effondrement spéculatif et industriel actuel de l’Occident trahi un certain échec de son modèle actuel. Comment au juste en sommes-nous arrivés là, se demandent plusieurs ? Une partie de notre surprise réside sûrement dans le désir constant de divertissement qui est le notre — tant en politique et en information, qu’en culture — un thème qu’aborde en profondeur Nuages sur la Ville : des divertissements quotidiens qui auront accompagné l’effondrement silencieux de grands pans industriels.

Et c’est ainsi qu’au fil du temps, par habitude de la de fuite, et sans perspective, les notions les plus familières semblent devenir floues. Que veut dire dans notre contexte actuel conservatisme, progressisme ? À quoi correspond par exemple une tentative de sauver l’espoir ? Est-ce du conservatisme de vouloir sauver la pensée critique ? Qu’est-ce que la solidarité aujourd’hui : un geste nostalgique ?

C’est de ces questions, et du désir d’une vision d’ensemble, c’est de l’inquiétude qui découle de ce regard qu’est né il me semble Nuages sur la Ville. Un film grave, mais drôle. Un film inquiet, mais pourtant plein d’humanité, duquel se dégage une réelle affection pour ses personnages. Un film de facture actuelle, mais qui ne joue pas la carte de la provocation, il s’inscrit plutôt dans une continuité, une culture — un ensemble. Est-ce ici le moment de rappeler la trajectoire de critique de Simon Galiero ? Ce film qui allie clarté d’énonciation, richesse, et une totale absence d’affectation est aussi par ailleurs, une œuvre d’une étonnante maturité à cet âge, car c’est l’œuvre il faut s’en souvenir, d’un très jeune réalisateur. Cela explique peut-être en partie pourquoi Nuages sur la Ville parvient aussi rejoindre un public jeune.

Je pense que l’on sous estime généralement l’ambivalence de la « Génération Y » à l’égard du junk food et des médias trash, de l’américanisation de leur références culturelles. Oui Nintendo et McDo sont des piliers, des références bien réconfortantes, ils en sont venus à représenter presque une sorte de seconde famille. Mais ces références sont aussi pour eux — ils le savent bien — une ligne de fracture avec leur parents et leur culture nationale, quelle qu’elle soit. Les jeunes semblent vivre face à ces questions une surprenante culpabilité, se demandant à juste titre si c’est seulement leur faute… Des questions qui témoignent d’une résonance profonde du film dans un groupe d’âge que nous tenterons de joindre cet automne par une importante tournée du réalisateur et des comédiens dans les Cégeps et Universités.

Pour les autres spectateurs, et spécialement pour les cinéphiles, la rencontre à titre de comédiens de figures majeures telles que Jean-Pierre Lefebvre, Robert Morin, Téo Spychalsky, est tout un projet en soi, et il attise la curiosité.

Au delà du sens et de la portée qu’on doit donner à leur présence, je tiens en finissant à souligner tout ce qu’il a fallu de foi à ceux-ci pour embarquer dans une aventure atypique comme la nôtre, mettant en quelque sorte leur réputation d’artiste au service de notre projet. Je ne peux ici que les en remercier chaleureusement.
- Serge Noël, producteur

NUAGES SUR LA VILLE -- Important succès au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal

Après avoir fait l'ouverture de la prestigieuse section FOCUS du Festival du Nouveau Cinéma de Montréal (FNC), NUAGES SUR LA VILLE a remporté le prix du Meilleur film Canadien -- Grand prix Focus.

C'est un scénario de rêve pour un film qui a été fait initialement dans des conditions difficiles et qui profite maintenant d'une vitrine médiatique enviable avant sa sortie du mois prochain.

Il est noter que le Jury du FNC était composé de Yuri Berger, directeur de la programmation à Festivalissimo et producteur associé du Festival juste pour Rire 2009 ; Pape Boye, co-fondateur de "Funny Balloons" et "Coach 14" (se spécialisant dans la vente internationale de film); ainsi que de Aleen Stein, co-fondatrice et princiaple actionnaire du prestigieux éditeur de film de répertoire "Criterion".

jeudi 8 octobre 2009

Aujourd'hui au FNC - Nuages sur la Ville dégage une insolite poésie

http://www.ledevoir.com/2009/10/08/270683.html
ODILE TREMBLAY
Édition du jeudi 08 octobre 2009


Deux sections du FNC démarrent aujourd'hui, abordant des univers aux antipodes l'un de l'autre. Nuages sur la ville, du Québécois Simon Galiero, ouvre le volet Focus. Une oeuvre troublante, dont le titre fait sans doute référence au roman Poussière sur la ville d'André Langevin, pour le blues. En noir et blanc avec des personnages en confusion, tels un vieil écrivain renié par son époque (incarné par le cinéaste Jean Pierre Lefebvre) et un homme en rupture de tout, campé par le cinéaste Robert Morin, toute l'acculturation d'une époque est livrée par petites touches entre têtes éclairées et visages d'abrutis, renvoyés dos à dos. Fable mélancolique, souvent prenante, Nuages sur la ville, avec ses décors suburbains kitsch et ses forêts chargées de songes, ses Polonais incultes, ses ados désincarnés dans un monde virtuel, ses intellos déconfits, dégage une insolite poésie. (...)

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